Premier jour de cours. Galère. --'

En me levant ce matin-là, la première chose à laquelle j'avais pensée, ce n'avait pas été mes fringues, ou mon petit déjeuner, ou même ce qu'il fallait que je prenne comme affaires pour mes cours de la journée.
Plutôt quelque chose comme...

* ......................... Fait chier. *

Mais j'avais quand même réussi à trouver le courage de me lever. J'aimais aller en cours, aussi bizarre que ça puisse paraître pour quelqu'un de mon allure. Quelqu'un qu'on avait tendance à cataloguer "rebelle de la life" ou "anarchiste", ou pire, "cool".
Je ne suis PAS cool. J'aime pas les gens, je grogne, je griffe, je mords, je pue le chien pour certains, tout c'que vous voulez... Tout mais pas ça, s'il vous plaît...! J'aurais donné n'importe quoi pour que les autres élèves ne viennent pas me voir à la pause en me deandant où j'avais acheté mes sapes parce que j'avais "un pur staïle!", ou quand j'avais décidé d'me raser le crâne de façon "trop hardcore!", si mes parents "crisaient" pas parce que j'étais " 'ach'ment goth"... Mouarf...

Pitié. Si y a quelqu'un qui nous regarde, le cul posé sur un nuage, épargnez-moi cette rentrée-là...
J'avais envie d'une rentrée différente des autres, où les gens feraient comme si j'étais juste une nouvelle élève qui débarquait, normal quoi! Bon, je devais avouer qu'avec mon accoutrement on me regardait forcément, d'ailleurs je me doutais bien que quelque part dans mon inconscient j'aimais ça malgré mon misanthropisme, mais de là à venir me harceler de questions niveau prépubère, naaan...

Bon.
J'avais avalé en quatrième vitesse deux bols de céréales censés m'apporter un peu de courage pour affronter cette horrible première étape. Les trois tasses de chacolat chaud pour arroser tout ça n'avaient pas eu besoin de me réchauffer, bien sûr, mais ça m'avait fait du bien quand même.
Un premier tour devant le miroir, lavache de dents, tout ça... Ensuite penderie (et là c'était le moment rigolo de la journée, celui où je pouvais laisser s'égarer mon sens artistique débridé): bottes Doc Martens noires, slim noir rentré dedans, chemisier blanc à manches trois quarts, par dessus ça, un corset (un vrai!) réhaussé avec des bandes de cuir bouclées dans le dos, et ma veste noire de la soirée (ratée) d'Halloween, il y avait deux jours de cela.
Retour devant le miroir, changement d'un ou deux piercings, j'hésitai à mettre la chaînette nez-lobe gauche, et puis me dis que non, pour un premier jour c'était peut-être trop... Maquillage habituel, c'est à dire du noir en veux-tu en voilà. Un bracelet à pointes? Oui mais alors le petit, assez discret (si on veut). Poignet droit.

J'attrapai mon sac de cours sur mon lit, vérifiai l'heure, puis sautai dans ma voiture et roulai pleine bourre jusqu'au lycée.
Là, je me garrai, et bien sûr les élèves qui poireautaient me reluquèrent tous les uns après les autres.

* Je savais que j'aurais pas dû mettre ce bracelet... *

Tu parles. Comme si y avait qu'le bracelet.
J'entrai dans le hall, fis un passage par le secrétariat pour des broutilles administratives. La sonnerie des 5 minutes avant le début du premier cours retentit quand je sortis du bureau. Je m'arrêtai alors sur le côté, fouillant dans mon sac pour retrouver mon plan, histoire de voir où était ma salle.

Et là, bien entendu, se produisit ma première tuile de la journée.
Une fille limite hystérique courait dans ma direction, le couloir était bondé. Elle voulu éviter un élève allant en sens contraire, mais c'était sans compter ma présence, et je me la bouffai de plein fouet. Ce fut elle qui eut le plus mal...
Mes affaires s'éparpillèrent sur le sol, je les regardai d'un air découragé. La fille s'excusa à peine et continua à courir.

Je levai la tête pour la regarder filer, tout en me baissant pour ramasser mon bazar.

- Poufiasse, fis-je à haute voix en sa direction, sans qu'elle puisse m'entendre cependant : elle était déjà loin.

Ce matin, Jess non plus n'avait pas le goût d'aller à l'école. Par contre, pour lui, ce n'était pas une rentrée scolaire. Ce n'était que l'un de ces nombreux jours durant lequel Jess espère que des extra-terrestres débarquent sur la planète et décide d'éliminer toutes les écoles, car, eux, se soucient des souhaits des étudiants. Lui et l'école... pas une très grande amitié entre ces deux-là. Si il n'avait pas encore lâché l'école, s'était pour faire plaisir à sa mère malade qui ne savait pas que Jess sèchait la plupart de ses cours. Mais bon... Jess savait bien que son histoire d'extra-terrestres n'arriveraient jamais. Dommage...

Aujourd'hui, Jess était vêtu d'un jeans noirs et d'un t-shirt du groupe ac/dc, Ses cheveux, comme d'habitude, étaient dépeignée, mais lui donnaient un petit air charmeur. Jess marchait dans les couloirs de l'école, quand la cloche se fit entendre. L'adolescent se foutait bien de sa et ne se dirigea pas vers sa classe de science parce qu'il n'en avait tout simplement pas envie. Puis, il faillit se faire frapper par une fille qui courrait comme une idiote dans les couloirs, mais elle ne frappa pas Jess. Au lieu de cela, sa victime était Lenore Henkermann. Jeune fille dont Jess ne reconnaissait pas le visage.

Lorsque la fille... folle, je dirais, fut partit, Lenore dit dans la direction de la jeune fille : "Pouffiasse." Pour une fois, Jess était d'accord avec quelqu'un d'autre que son lui-même. Un petit sourire apparut sur ses lèvres. Il s'approcha d'elle sans faire de bruit et se pencha pour ramasser l'un des livres de Lenore. Il le garda dans ses mains un moment, le temps que la jeune fille le remarque, et lui fit un petit sourire en coin.

[assez court comparer à toi, mais bon... pas grave!]

Je sentis que quelqu'un s'approchait de moi, et je relevai la tête tout en continuant de ramasser mes inombrables papiers qui formaient désormais un tas désordonné entre mes mains exaspérées.

Le garçon que l'hystérique avait voulu éviter se pencha et ramassa mon exemplaire des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, livre que j'emmenais partout avec moi, ma Bible, mon grigri, ma drogue.
Un chien a toujours l'air étonné quand on lui prend son jouet. C'est pourquoi je levai des yeux interrogateurs vers ce mec qui me prenait presque mon doudou des pattes.

- Alors comme ça c'est à toi qu'je dois de m'être faite prendre pour un meuble?

En effet, j'aurais été un genre de chaise ou autre, la fille de tout à l'heure ne m'aurait pas accordé moins d'attention.
Je fis claquer mes feuilles sur le sol pour les remettre droites, et les fourrai dans mon sac avec le reste, avant de me relever, face au jeune homme qui regardait curieusement mon bouquin. Je décelai chez lui un certain désir d'être regardé, sa façon de sh'abiller ou sa coiffure, peut-être. Un espèce d'air qui se voulait plus ou moins attirant... Et je doutai soudain de son intérêt pour la poésie française.

- Moi c'est Lenore, fis-je d'un ton neutre en tendant la main pour qu'il me redonne mon livre.

"Alors comme ça c'est à toi qu'je dois de m'être faite prendre pour un meuble?"

Jess avait toujours son sourire de petit baveux sur ses lèvres. Il hocha la tête à la réplique de Lenore.

"Ouais, c'est bien moi." dit-il, comme s'il fallait être fière de ça. "Sa m'a fait plaisir en passant." rajouta-t-il avec un petit rire.

Jess se releva et s'accota contre le mur derrière lui. Toujours le bouquin dans ses mains, il l'ouvrit et commença à feuilleter les pages en hochant la tête comme s'il connaissait bien ce livre-là. Dans le fond, Jess n'y connaissait rien en littérature. Il n'avait pas touché de livre depuis longtemps. Disons juste que Jess n'est pas ce genre de gars-là. Lorsque la jeune fille se présenta, Jess releva la tête vers elle et referma le livre. Il ne lui rendit toujours pas par contre.

"Et moi c'est Jess." répondit-il avec le même ton neutre.

Jess baissa ses yeux vers la main que lui tendait Lenore. Il savait bien qu'elle voulait son livre, mais juste pour l'énerver, il lui serra la main avec son sourire arrogant accroché à son visage.

"Enchanté." dit-il.

Il fauilletait mon bouquin avec un air appréciateur, hochant la tête comme s'il voulait s'en faire le critique, jugeant mentalement des passages que, je le vis tout de suite, il ne lisait même pas.
Je plissai les yeux.

* Qu'est-ce que c'est qu'ce branleur...? *

J'en profitai pour jeter un coup d'oeil à son T-shirt. AC/DC. Evidemment, si j'avais vu ça dès le départ, j'arais compris : le dernier fan d'AC/DC que j'avais eu le malheur de rencontrer était un imbécile. A l'époque j'avais cru qu'il serait impossibl qu'il en existât deux comme le premier, mais...

- Et moi c'est Jess.

... Peut-être m'étais je trompée.
Il attrapa ma main pour la serrer au lieu de me rendre mon précieux livre. Je le toisai.

- Enchanté.
- Tant mieux.

Son sourire arrogant ressemblait trop à celui que je servais aux gens que je m'amusais à mépriser. Ce mec était décidément excessivement agaçant à regarder.
Je dégageai ma main sans brusquerie, mais sans lui laisser le choix non plus.

- J'aimerais que tu me rendes mon livre, s'il te plaît, j'ai un cours de sciences qui m'attend.

Et là je priai pour qu'il ne soit pas dans ma classe, sans quoi, nous serions tous les deux en retard, obligés de faire le chemin ensemble, peut-être même de prendre place l'un à côé de l'autre pendant le cours...
Ou alors il était du genre à ne faire aucun effort pour se faire apprécier des gens avant de leur montrer comment il était vraiment, et là il me faudrait compter sur la longévité : peut-être ma première impression me trompait-elle (ce qui n'était jamais arrivé, mais l'espoir fait vivre).

Après avoir lâché la main de Lenore, il glissa sa main dans l'une de ses poches de pantalons tandis que l'autre tenait toujours le précieux livre de la jeune fille.

"J'aimerais que tu me rendes mon livre, s'il te plait, j'ai un cours de sciences qui m'attend." dit Lenore.

Jess eut un petit sourire satisfait et redonna le livre à Lenore. Il mit alors sa main qui tenait le livre avant dans sa poche et posa son regard sur la jeune fille.

"Oh! Tu t'en va en science? Quelle coïncidence. Moi aussi!" dit-il. "Tu dois être tellement contente en ce moment! Non, mais c'est LA plus belle chose qui pouvait t'arriver. Moi dans ton cours."

Il eut un petit rire et commença à marcher en direction de la classe de science. Puis, voyant que Lenore ne suivait pas, il se retourna vers elle.

"Ben alors tu viens?" dit-il. " C'est bien de ce côté là la classe de science, non?" rajouta-t-il plus aussi sûr que tantôt.

Je le regardais, décontenancée, ou juste découragée.

* Je rêve... *

- Ben alors tu viens? C'est bien de ce côté là la classe de science, non?

Je levai les yeux au ciel. Plongeant ensuite la main dans mon sac pour en sortir le plan que je cherchais avant de me faire aimablement bousculer, j'y jetai un coup d'oeil et découvris que le labo était en fait dans la direction opposée. Il fallait s'y attendre.
Je rangeai le papelard.

- Nan. C'est d'l'autre côté.

Je tournai donc les talons et marchai d'un bon pas, en évitant les quelques élèves encore présents dans le couloir. J'aurais facilement pu le semer, et ce n'était pas l'envie qui m'en manquait. Mais je ne tenais pas vraiment à attirer l'attention des autres en me mettant à faire des enjambées de trois mètres...

- 'Tain... Pourquoi c'est toujours sur moi qu'ça tombe ce genre de trucs... gromelai-je pour moi-même.

"Nan.C'est d'l'autre côté." dit Lenore.

Jess fit une drôle de face voulant dire "Pour vrai??", puis sa face redevint normal et il haussa ses épaules.

"Pfff! Je l'savais! C'était juste pour te tester!" dit-il comme si de rien n'était.

Jess alla donc rejoindre Lenore qui se tenait un peu plus loin. Il marchait à ses côtés, mais Lenore n'avait pas l'air très heureuse. Jess, de son côté, trouvait sa plutôt drôle.

"'Tain... Pourquoi c'est toujours sur moi qu'ça tombe ce genre de trucs..."

Jess regarda Lenore lorsqu'il entendit sa. Il avait bien deviner qu'elle disait sa pour elle-même, mais Jess ne se lassait pas (en tout cas pas pour l'instant) de l'énerver.

"Henhenhen! Je vois pas de quoi tu parles. Je me trouves plutôt sympathique moi!" dit-il avec un petit sourire moqueur.

Jess continua de marcher avec le sourire aux lèvres. Il salua un de ses amis qui venait de passer, mais ne s'arrêta pas pour lui parler, trouvant trop drôle ce petit moment cocasse avec Lenore. xD

Je ne relevai même pas. C'était juste... puéril.

Il était d'ailleurs presque drôle de voir à quel point ce mec s'enfonçait dans le ridicule. A croire qu'il aimait ça. Plus ça allait, plus il redoublait d'imagination pour me faire enrager. Son petit jeu n'était pas bien fin, et tout ce qu'il attendait était que je réagisse, bien ou mal, ça il s'en foutait.
C'était d'ailleurs plutôt triste, en fait... Quand on y réfléchissait, le pauvre garçon ne devait pas avoir assez de charisme pour qu'on le remarque, d'où ce genre de petit jeu ridicule qui devait le décrédiciliser auprès d'à peu près tout le monde.

Avait-il seulement de VRAIS amis, ou ceux qu'il prenait pour tels n'étaient-ils là que parce qu'il les amusait? Et lui-même, aimait-il vraiment ces personnes-là? Jusqu'au serait-il prêt à aller pour eux, sans mentir?
Je ne lui poserais sans doute jamais cette question. De peur qu'il ne comprenne pas, d'une part, et d'autre part parce qu'il répondrait probablement par l'affirmative en se prenant pour Superman, mais finalement se raviserait devant un REEL danger de mort.

Je gardai le silence et nous allâmes donc en cours, lui et moi, comme deux amis pour qui ne prêtait pas attention à mon évident refus de poursuivre la conversation.
J'avais autre chose à faire que de répondre à ses âneries si il devenait évident qu'il ne me parlait que pour faire joujou avec mes nerfs.

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